L’Union des Industries Textiles représente le tissu des industries textiles en France. Après des décennies de recul, la réindustrialisation est plus que jamais un enjeu stratégique, en France comme en Europe.
Dans ce cadre, l’UIT considère que la mise en place d’un affichage environnemental est un enjeu stratégique. Dans une large mesure, les enjeux sociaux, économiques et environnementaux sont alignés : produire mieux et produire localement, en France ou en Europe, c’est aussi souvent produire avec un moindre impact environnemental. Les exigences environnementales qui pèsent sur la production européenne ainsi que les efforts entrepris par les Etats pour faire évoluer les mix électriques sont autant d’avantages qui doivent pouvoir être valorisés.
Dans ce cadre, l’UIT soutient la mise en place d’un affichage environnemental réglementaire tel que prévu par le Gouvernement français. Le dispositif qui est proposé répond dans une large mesure aux cinq prérequis qui ont été rappelés par l’UIT tout au long des travaux auxquels elle a pu contribuer depuis l’adoption de la loi Climat et résilience en 2021. L’affichage environnemental doit ainsi être :
- Simple à comprendre pour le consommateur (sans être simpliste) ;
- Facile à mettre en œuvre pour les entreprises (PME/compatible en particulier) ;
- Différenciant pour les produits (il ne doit pas niveler les différences d’impacts des produits mais les mettre en relief) ;
- Transparent grâce à des méthodologies et des bases de données sans opacité technique ou organisationnelle ;
- Accessible et évolutif pour faciliter son déploiement et son universalité grâce à des outils open-source et des bases de données autoalimentées par les entreprises.
Les enjeux environnementaux et industriels qui mobilisent l’UIT dépassent le cadre national. Ils sont a minima européens. Ainsi, si le cadre proposé par le gouvernement français ne concerne que les produits vendus en France, l’émergence d’une méthodologie harmonisée à l’échelle européenne doit tout de suite être envisagée comme horizon. Depuis plusieurs années, l’UIT s’est mobilisée sur les travaux d’élaboration du cadre européen PEF, et plus particulièrement le projet de PEFCR Apparel & Footwear. Malheureusement, celui-ci apparaît aujourd’hui complexe à comprendre et à mettre en œuvre pour les PME. Nous sommes également très attentifs aux coûts de mise en œuvre, notamment pour les tests de qualité, qui pourraient découler du PEF. De plus, en l’absence d’un outil tel qu’Ecobalyse pour le cadre français, il est impossible pour les acteurs industriels d’apprécier la portée des orientations techniques et stratégiques construites au sein du secrétariat technique du PEFCR Apparel & Footwear : quel serait le score PEF d’un Tshirt en coton produit en Europe par une marque traditionnelle ? celui d’un Tshirt en polyester d’une marque de fast fashion ? quel est le coût de réalisation des différents tests prévus dans le projet de PEFCR ? pourquoi le secrétariat technique a-t-il renoncé à intégrer la dimension extrinsèque de la durabilité alors qu’il s’agit de la première cause de fin de vie des vêtements (cf. annexe VI du même PEFCR) et qu’il s’agissait d’une demande clairement exprimée par le Parlement européen dans l’avis qu’il a rendu sur la stratégie textile durable à l’été 2023 ? Aujourd’hui, les conditions ne semblent pas réunies pour que le score PEF s’appuyant sur le projet de PEFCR soit largement mobilisé. L’UIT note d’ailleurs que la dernière version du projet de PEFCR prévoit l’interdiction que ce score PEF soit présenté aux consommateurs, attestant ainsi de ses limites actuelles.
L’UIT se réjouit que la Commission européenne ait d’ores et déjà annoncé une révision du cadre PEF, révision qui conduira nécessairement à une révision du PEFCR Apparel & Footwear. L’UIT se réjouit également de l’engagement d’un nouveau chantier pour doter l’Europe d’une nouvelle base de données : EF4.0. S’il peut paraître technique, ce sujet est un enjeu majeur en termes de souveraineté. Le cadre méthodologique de référence, sur lequel pourraient demain s’appuyer plusieurs réglementations essentielles (Green Claims, actes délégués ESPR…) doit nécessairement s’appuyer sur des données transparentes, librement accessibles et désagrégeables. Il nous semble capital que l’industrie européenne participe directement à ces travaux et plus particulièrement l’UIT, qui a participé à la construction de la méthode d’affichage environnemental française. Dans la mesure de ses moyens, l’UIT tâchera donc de suivre ces travaux, voire d’y participer. Mais, inévitablement, ces travaux prendront du temps alors que l’urgence environnemental, sociale et industrielle est là, en France et en Europe.
Dès lors, le cadre réglementaire proposé par la France pour l’affichage environnemental est une excellente opportunité d’éprouver, à l’échelle d’un Etat membre, une méthodologie et un outillage qui intègre probablement déjà des aspects que la Commission européenne entend faire évoluer dans la future version du cadre PEF et du PEFCR : intégration des microfibres, prise en compte de la durabilité holistique, mise à disposition d’un outil augmentant la transparence, baisse drastique des coûts de calcul du coût environnemental, ouverture de la possibilité d’ajouter de nouvelles données d’inventaires de cycle de vie…
Compte tenu des décalages de calendrier entre les PEF européen et l’affichage environnemental français, l’UIT considère que, afin d’éviter des contraintes aux entreprises françaises qui devraient s’adapter à deux méthodologies différentes, l’affichage français devrait rester volontaire, au libre choix des entreprises de s’en saisir ou pas.
De plus, nous sollicitons la mise en œuvre d’un panel produits qui permettra de vérifier de manière très opérationnel les scores environnementaux des différentes méthodes (ce panel a été mis en place en France par l’UIT et peut constituer un bon point de départ).
Dans l’industrie, comme dans l’essentiel des constructions complexes, c’est l’expérience acquise à des échelles réduites qui permet de développer de nouvelles pratiques et de construire des filières innovantes. Cette approche a été mise en œuvre pour conduire au cadre proposé par le gouvernement français. A la demande du législateur, des expérimentations se sont tenues en 2022 avant qu’un premier outil de calcul ne soit mis à disposition de tous, qu’il soit éprouvé et qu’il serve de support à l’élaboration du cadre méthodologique aujourd’hui proposé. L’expérience terrain, avec déjà des dizaines voire des centaines d’entreprises, qui l’ont déjà utilisé constituera une expérience indispensable pour aller vers la généralisation et permettra de donner une base solide à un affichage environnemental européen qui valorise les produits vertueux, et en particulier ceux produit au sein de l’Union européenne (dont on sait que c’est le continent dont les standards environnementaux et sociaux sont parmi les plus exigeants de la planète).
Pour que l’expérience soit aussi riche que possible et pour qu’elle produise au plus vite des effets sur l’industrie et la consommation en Europe, il importe aujourd’hui que le cadre français se déploie pleinement.